C’est en résumé le mot d’ordre qui a réuni, le 29 mai dernier à l’Assemblée nationale, les participants au colloque Paradis fiscaux et enfers judicaires : la justice ou le chaos. Magistrats, journalistes, chercheurs, membres d’ONG, représentants du gouvernement : des intervenants de tous horizons venus faire le point sur les moyens de combattre ces juridictions opaques aux multiples méfaits. Une diversité à l’image de ce que doit être cette lutte pour être efficace : plurielle et transversale.
Divergences d’opinion...
La rencontre de ces acteurs variés a bien sûr fait ressortir nombre de divergences. Le bilan du G20, notamment. Denis Robert, journaliste et écrivain, le qualifie de « pantalonnade », soutenu par Bernard Bertossa, ancien procureur de Genève, qui condamne la liste du G20 comme inutile et ne servant qu’à désigner des boucs émissaires - les petites îles - face à de grandes puissances « blanches ». Christian Chavagneux, rédacteur en chef d’Alternatives Economiques est plus optimiste : il croit au sérieux de l’engagement des pays contre les paradis fiscaux. Il déplore cependant que le G20 ne se soit pas prononcé contre les abus commis par les multinationales, et soutient la proposition d’Oxfam France – Agir ici et du CCFD – Terre solidaire sur la nécessité d’un reporting pays par pays (voir nos recommandations). Le secret bancaire crée aussi la polémique : conspué par beaucoup, il trouve un avocat en Bernard Bertossa qui, s’il convient de son illégitimité en ce qui concerne les rapports entre les contribuables et l’administration fiscale, ne se prononce pas en faveur de son abolition totale, trop dangereuse pour les libertés fondamentales...
...et constats unanimes
Si les intervenants n’accordent pas la même importance aux décisions du dernier G20, tous reconnaissent qu’il faut aller plus loin, sortir, selon l’expression d’Eric Alt (Syndicat de la Magistrature), d’une « culture de soumission et de résignation ». A cet égard, François d’Aubert, ancien ministre et nouvellement nommé Délégué Général à la lutte contre les paradis fiscaux, se veut rassurant : il y aura des suites. Les moyens, pourtant, font défaut, que ce soit au niveau français, comme le rappelle Vincent Drezet, du Syndicat national unifié des impôts (SNUI), où au niveau international, comme le déplorent les magistrats. Car si la lutte contre les paradis fiscaux implique de nombreux secteurs (bancaire, financier, judicaire...), elle dépasse aussi les frontières. Alain Deneault, philosophe et écrivain canadien, est venu témoigner par exemple des conséquences, pour les pays dans lesquelles elles opèrent, de l’activité des industries extractives canadiennes.
Concernant l’inquiétude, partagée par beaucoup, de voir l’engouement pour la lutte contre les paradis fiscaux retomber comme au début des années 2000, le journaliste de Libération Nicolas Cori invite les ONG à maintenir leur vigilance afin de mieux impliquer la presse dans la dénonciation de leurs activités. Les membres présents leur rappellent à leur tour qu’il revient aussi aux journalistes de créer l’actualité !
Le mot de la fin revient à Bernard Bertossa : « Jusqu’à aujourd’hui, j’étais optimiste pour deux raisons. Tout d’abord, parce que c’est une contrainte philosophique : sans ça, on ne ferait rien ! Ensuite, parce que si on regarde en arrière, quelques progrès on été faits : le blanchiment d’argent par exemple, est maintenant une infraction. J’ajouterai à présent un troisième motif de satisfaction : le nombre d’intervenants à ce colloque, la qualité de la réflexion et la mobilisation qu’il reflète! »
Morgane Piederrière et Isabelle Tallec, Oxfam France - Agir ici
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