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mardi 23 juin 2009

François d'Aubert : «Il faut maintenant s'attaquer aux sociétés écrans et aux trusts»

Pour la première fois un représentant du gouvernement français évoque publiquement la nécessité de lutter contre les trusts, ces mécanismes juridiques utilisés pour dissimuler derrière des prête-noms de l’argent dans les paradis fiscaux en toute légalité. Il rejoint ainsi l’une des demandes de la campagne Hold-up : faire que le combat contre les paradis fiscaux ne se limite pas à exiger la levée du secret bancaire. François d’Aubert va même plus loin : il exige également davantage de transparence sur la nature des activités que les banques entretiennent dans les paradis fiscaux. Dans notre communiqué de presse publié la veille, nous avions demandé à la France de porter ces deux sujets à la Conférence de Berlin, qui se tenait le 23 juin. Le débat est lancé sur les utilisateurs des paradis fiscaux.

INTERVIEW - François d'Aubert est chargé d'une mission de suivi à Bercy sur les paradis fiscaux.

LE FIGARO. - Mardi, les ministres du Budget se retrouvent à l'initiative de Paris et Berlin pour faire un point sur l'état d'avancement dans la lutte contre les paradis fiscaux. Où en est-on ?

François D'AUBERT. - Cela progresse vite et bien. Il y a une forte volonté de la part des États de se conformer aux standards de l'OCDE. Cette volonté se concrétise par la signature depuis deux mois de nombreuses conventions fiscales bilatérales avec les territoires de la liste grise. À noter que l'adhésion est venue de pays jusqu'alors très rétifs, comme le Luxembourg et la Suisse. Les autorités qui refusaient de transmettre la moindre information, sauf blanchiment ou fraude avérée, devront répondre demain aux demandes fondées. Le fait pour la France d'avoir signé de nouvelles conventions avec la Suisse et le Luxembourg est une étape décisive. Avec les îles Anglo-Normandes, la Belgique et Singapour, la Suisse et le Luxembourg concentrent l'essentiel de l'évasion fiscale d'origine française.

Pourquoi la Suisse, si attachée à son sacro-saint secret bancaire, a-t-elle capitulé ? Sous la pression du G20 ?
La crise entraîne une exigence de régulation et de moralisation dans laquelle s'inscrit la lutte contre les paradis fiscaux ; aucun État ne peut rester indifférent à cette pression globale sous peine d'isolement et de réputation ternie. Les centres offshore, paradis fiscaux et autres territoires dérégulés sont dans le collimateur des opinions publiques car ils concentrent opacité et complexité financières. Ils sont au pied du mur. Ils doivent réagir positivement face à la pression du G20. L'engagement personnel du président Obama, l'impulsion donnée par le président Sarkozy et la chancelière allemande Merkel ont pesé. Les affaires d'UBS et du Liechtenstein aussi.

La question des trusts et autres structures sophistiquées est pour l'instant laissée de côté. Est-ce la prochaine étape ?
Une fois ratifiées, ces conventions devront être mises en œuvre et effectivement utilisées. En même temps, il faut s'attaquer aux sociétés écrans, trusts et autres spécialités des centres offshore dont l'opacité facilite aussi bien la fraude et le blanchiment que les montages ultrasophistiqués. Pour les trusts, il faudra au minimum que l'identité du bénéficiaire soit toujours accessible, condition essentielle pour être crédible en matière de transparence. Mais cela suppose la prise en compte de critères supplémentaires faisant consensus, une évaluation de chaque pays et la mise à jour permanente des listes noires.

Le président Nicolas Sarkozy a demandé aux banques d'être plus transparentes. Est-ce qu'elles jouent le jeu ?
La demande de transparence est particulièrement forte pour les banques mais aussi pour les groupes qui utilisent les paradis fiscaux. Aujourd'hui, elle est tout à fait insuffisante concernant les filiales logées dans ces territoires non coopératifs. Bien sûr que les banques doivent fournir des informations pertinentes à leurs clients, à leur personnel, à leurs actionnaires sur leurs filiales offshore, par pays et par métier. Le Parlement français vient d'ailleurs de voter des obligations précises de reporting.

La réunion de mardi portera entre autres sur les sanctions possibles. Avez-vous des pistes ?
Au dernier G20, il a été décidé que des sanctions et des contre-mesures concertées devaient être prises. Des propositions sont avancées qui viseraient en même temps à dissuader les entreprises et les banques de s'y implanter et de limiter les flux financiers. Des avantages fiscaux pourraient être suspendus, par exemple, des déductions de charges sur les activités dans ces territoires. Autre possibilité, relever le taux des retenues à la source dans le cadre de la directive épargne européenne.

Bercy a ouvert un guichet pour les repentis fiscaux. Y a-t-il des résultats concrets ?
L'évasion fiscale va devenir de plus en plus risquée et beaucoup de gens s'en rendent compte. Le nouveau dispositif de rapatriement fonctionne bien. Les services du ministère reçoivent une trentaine de demandes de renseignements par jour et quelques négociations sont déjà engagées.

Propos recueillis par Anne Cheyvialle pour Le Figaro

(Source Le Figaro : http://www.lefigaro.fr/impots/2009/06/22/05003-20090622ARTFIG00320-francois-d-aubert-il-faut-maintenant-s-attaquer-aux-societes-ecrans-et-aux-trusts-.php)

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