Les quatre pays de la liste noire des paradis fiscaux non coopératifs - Philippines, Malaisie, Costa Rica et Uruguay - rendue publique lors du G20, ont tous été retirés, après avoir pris l’engagement de se conformer aux normes fiscales internationales. Ils rejoignent les 38 autres pays inscrits sur la liste grise également publiée lors du G20. Un retrait qui laisse perplexe sur la réelle volonté politique de lutter contre la finance « off shore ».
L'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), qui a établi les différentes listes des paradis fiscaux selon leur degré de « coopération fiscale », s’est félicitée, mardi 7 avril, des « engagements pris » et des « progrès rapides » réalisés par les pays figurant sur sa liste noire. Les Philippines, la Malaisie, le Costa Rica et l’Uruguay se sont en effet engagés « dès cette année » à échanger des renseignements fiscaux avec les autres états membres de l’OCDE, annonce qui leur a permis de rejoindre la « liste grise » regroupant les "juridictions qui se sont engagées à se conformer à la norme fiscale internationale mais ne l'ont pas encore effectivement appliquée", selon l'OCDE. Dans cette liste grise figurent notamment la Suisse, le Luxembourg, la Belgique, le Lichtenstein, l’Autriche ou encore Monaco, qui figurait encore récemment sur la liste noire.
Si Transparency France - membre de la Plateforme des paradis fiscaux et judiciaires - s’est félicitée de la publication de ces listes en soulignant « l’avancée historique dans la mise au pas des paradis fiscaux », l’ONG estime que « la bataille est cependant loin d'être terminée ». « La volonté de la communauté internationale de mettre fin aux abus des paradis fiscaux ne sera réelle que si des actes concrets sont mis en œuvre avant la prochaine réunion du G20 en septembre 2009. Un dispositif de suivi et de contrôle géré par les institutions internationales doit ainsi être mis en place afin de vérifier l'avancement des décisions prises à Londres », prévient Transparency.
Des paradis fiscaux qui restent cachés
En dehors de la question posée sur la réalité de ces engagements, un autre aspect suscite la perplexité : plusieurs paradis fiscaux ne figurent sur aucune liste, à commencer par la City à Londres, ou encore les états américains du Delaware (qui regroupe à lui seul 43% des sociétés cotées en Bourse à New-York) et du Nevada. De même, Chypre, Jersey (classé 3ème paradis fiscal le plus nocif d’Europe par la Plateforme des paradis fiscaux), la Barbade (qui défiscalise les exportations américaines) ou encore l’île Maurice figurent sur la «liste blanche» de l’OCDE, qui regroupe les pays « respectant les normes internationales »…
Rappelons que l’Europe elle-même compte une douzaine de territoires présentant toutes les caractéristiques des paradis fiscaux et judiciaires. « La France utilise Andorre et Monaco, voire la Suisse, les Britanniques les îles Anglo-Normandes avec leurs 225 banques et leurs 820 fonds d'investissement, et les territoires (ou ex-) de la Couronne répartis à travers le monde, les Italiens, la principauté de Saint-Marin, etc », indique la Plateforme des paradis fiscaux et judiciaires. Enfin, Hong Kong et Macao ont également échappé à la liste noire, la Chine ayant fait pression en ce sens sur le président Obama lors du sommet du G20.
Pour Oxfam France - Agir ici, les listes de paradis fiscaux publiées par l'OCDE "ne sont pas l'outil attendu", mais seulement "des listes de bonnes intentions". "La décision prise par les dirigeants du G20 de publier de telles listes était pourtant un point de départ nécessaire: sans liste, aucune sanction possible", poursuit l'ONG dans un communiqué. L’ONG regrettait à l’issue du G20 que "quatre pays seulement figurent sur la liste noire ". Quatre jours plus tard, la fameuse « short list » n’existe plus…
"S'attaquer aux entreprises elles-mêmes"
En permettant la circulation incontrôlée des capitaux spéculatifs, les paradis fiscaux sont largement responsables de la crise financière actuelle. Vont-ils pour autant disparaître un jour ? Rien n’est moins sûr, selon des experts comme Eva Joly ou Jacques Attali. Ce dernier a estimé sur France Info que l’initiative du G20 n’aboutirait « qu’à un déplacement de l’argent dans d’autres endroits ». Quant à l’ancienne magistrate, la seule mesure efficace consisterait selon elle à s’attaquer aux structures juridiques et aux trusts, qui permettent de cacher l’identité de leurs bénéficiaires, ainsi qu’aux multinationales qui possèdent des filiales implantées dans les paradis fiscaux, en les obligeant à rendre des comptes sur ces implantations. « A condition qu’il y ait une volonté politique, des mesures peuvent être prises sur le champ », a-t-elle expliqué dans l’émission « Ce soir ou jamais » sur France 3 le 7 avril. « Les gouvernements peuvent contraindre les entreprises cotées à dire où elles font des bénéfices, et où elles payent des impôts, au lieu de les laisser transférer leurs résultats dans des filiales off-shore ».
2,4 millions de sociétés-écrans étaient présentes en 2000 dans les paradis fiscaux, selon l’étude d’Oxfam «The hidden billions for development». Récemment, une enquête d’Alternatives économiques (voir article lié) révélait que toutes les entreprises du CAC 40 « y sont implantées, avec pratiquement 1 500 filiales offshore, réparties sur près d’une trentaine de territoires, des Bermudes à la Suisse en passant par Malte, Panama et… le Royaume-Uni », expliquait l’enquête.
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