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lundi 6 avril 2009

La liste des paradis fiscaux du G20 suscite perplexité et polémique

La liste de paradis fiscaux pouvant être sanctionnés à l'issue du G20 suscite perplexité et polémiques de la part des petits pays européens visés. Reste aussi à déterminer les sanctions applicables.

La publication de listes « noire » et « grise » de pays insuffisamment coopératifs en matière de lutte contre l'évasion fiscale et susceptibles d'encourir des sanctions a été saluée comme un accomplissement essentiel du G20 de Londres, jeudi, et qualifiée même de « bénédiction » par l'ONG Transparency international. Mais les critères de sélection s'avèrent, aux yeux de leurs détracteurs, à peu près aussi opaques qu'un compte bancaire aux îles Caïmans. Ce qui a suscité ce week-end une levée de boucliers de certains pays européens mis à l'index, Belgique, Suisse et Luxembourg, scandalisés d'être associés à des paradis bancaires notoires, et qui soulignent que les grandes puissances vertueuses ne sont pas les dernières à pratiquer le secret bancaire.

Ainsi, « ça fait un peu sourire, en Belgique, de voir que les îles Anglo-Normandes sont considérées, tout comme les îles Vierges américaines, comme n'ayant aucun problème », a ironisé le ministre belge des Finances, Didier Reynders, dont le pays figure sur la liste « grise » des 42 pays ayant certes pris des engagements mais restant sous surveillance jusqu'à ce qu'ils les ait appliqués « substantiellement ».

Proximité géostratégique

En effet, les trois listes de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) auquelles renvoie le G20 peuvent provoquer une certaine perplexité. En apparence, les critères sont clairs. Figurent sur liste blanche les Etats transparents sur le plan fiscal. Sur liste grise, 41 Etats ayant pris l'engagement de respecter le principe de l'OCDE de ne plus opposer le secret bancaire aux enquêtes fiscales, mais n'ayant pas encore signé 12 conventions bilatérales d'échanges d'informations. Et sur liste noire, trois Etats (Costa Rica, Malaisie, Philippines) qui n'ont pris aucun engagement. Mais ces critères sont-ils appliqués en fonction de la proximité géostratégique avec telle ou telle grande puissance du pays visé ?

Certes, le secrétaire général de l'OCDE, Angel Gurria, s'en défend (lire ci-dessous). Mais, Macao et Hong Kong ont obtenu de ne figurer sur aucune liste, à l'issue d'une négociation entre Pékin et Paris arbitrée par Washington, alors qu'ils pratiquent autant le secret bancaire que des pays classés sur liste noire. De même, souligne Philippe Bouchez el-Ghozi, avocat au sein du département contentieux du cabinet américain d'avocats Paul Hasting, « les lois protégeant l'identité des ayants droit économiques d'une société domiciliée au Delaware, au Nevada, à Jersey ou à Londres permettent de contourner efficacement les règles limitant le secret bancaire sur le plan fiscal ».

Chausse-trapes procédurales

Un contribuable voulant échapper au fisc trouverait toute facilité sous le régime des trusts, fondations et autres fiducies à Chypre et Malte (sur liste blanche) ou à Jersey et Gibraltar. Philippe Bouchez el-Ghozi ajoute qu'en pratique, dans un pays sur liste blanche comme les Etats-Unis, les chausse-trapes procédurales peuvent être si nombreuses que le fisc d'un autre pays aura le plus grand mal à obtenir la moindre information (il est vrai que les Etats-Unis, comme nombre de pays européens, font valoir que le secret bancaire demeure un instrument vital et légitime pour protéger le secret des affaires, notamment dans des secteurs sensibles, aéronautique, armement). Enfin, est-il justifié de mettre dans la même catégorie, en liste grise, des pays comme la Suisse et la Belgique, qui appliquent depuis longtemps les standards de l'OCDE en matière de lutte contre le blanchiment d'argent ou qui ont annoncé récemment leur intention de lever le secret bancaire sur le plan fiscal, et des pays comme le Panama, Monserrat, Nauru, les Bermudes, les îles Vierges, qui étaient et sont peut-être encore impliqués dans le blanchiment d'argent et qui, ayant pris l'engagement d'appliquer le standard de l'OCDE en 2001, n'ont rien fait depuis ?

Toujours est-il, quelles que soient les retombées de la polémique, que se profile toute une panoplie de sanctions que les membres du G20 pourraient prendre contre les pays n'ayant pas signé le nombre requis de conventions d'ici à septembre. Ce serait la première fois que des sanctions internationales seraient prises contre des pays complaisants en matière d'évasion fiscale. Jusqu'ici, tout ce qu'ils risquaient était une mauvaise réputation.

Sont à l'étude des retraits de licences bancaires, la taxation des transactions avec les paradis fiscaux ou l'augmentation des ratios de fonds propres appliqués aux établissements financiers poursuivant leurs relations avec des pays non coopératifs. Le paradoxe étant qu'une telle punition aurait, avant la crise mondiale, rendu en réalité service aux établissements fautifs, puisque la crise a surtout déstabilisé les banques imprudentes en matière de provisions.

YVES BOURDILLON, Les Echos
(Source "Les échos" : www.lesechos.fr/patrimoine/impots/300341124-paradis-fiscaux-la-liste-du-g20-suscite-perplexite-et-polemique.htm)

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