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samedi 4 avril 2009

Interview d'Angel Gurria, secrétaire général de l'OCDE


"Celui qui veut frauder n'aura nulle part où se cacher"

Londres, jeudi 2 avril, les dirigeants des vingt principales puissances économiques sont parvenus à un accord visant à mettre fin aux dérives des paradis fiscaux. Il passe par la publication d'une liste noire de pays non coopératifs établie par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), bientôt assortie de sanctions. Il constitue, dans l'esprit du G20, la première pierre d'une refondation globale du système financier international, axée sur la transparence.

Dans un entretien au Monde, le secrétaire général de l'OCDE, Angel Gurria, déclare qu'il s'agit d'une "avancée historique". Pour la première fois, pays développés et émergents s'entendent pour faire de la chasse aux Etats qui favorisent l'évasion fiscale et le blanchiment d'argent une priorité. Le plan d'action adopté à Londres est, selon l'OCDE, de nature à rétablir la confiance, donc à accélérer la sortie de la crise.

Quelle est la portée de l'accord du G20 sur les paradis fiscaux ?

Les avancées sont réellement historiques. On a progressé en deux semaines plus qu'au cours des dix dernières années ! Sans ce sommet de Londres, où la question a été très tôt inscrite à l'ordre du jour, nous n'aurions jamais obtenu l'engagement de la quasi-totalité des paradis fiscaux à coopérer avec l'administration fiscale et la justice. Hongkong, Singapour, Macao, le Liechtenstein, La Suisse, la Belgique, l'Autriche, les Iles Vierges... Une vingtaine d'Etats susceptibles d'apparaître sur la liste des pays non coopératifs nous ont appelés pour s'engager à modifier leurs lois.

La refondation ne sera pas seulement économique. Elle sera morale et éthique. Bientôt, celui qui veut frauder n'aura nulle part où se cacher.

En quoi les listes que vous publiez, à la demande du G20, l'une "noire", l'autre "grise", serviront-elles la lutte contre ces trous noirs de la finance ?

L'OCDE étant une organisation daltonienne à cet égard, plutôt que de parler de couleurs, on préfère des critères précis et objectifs en matière d'échange d'informations fiscales. On distingue trois types de juridictions : celles qui appliquent les standards de l'OCDE ; celles qui se sont engagées à le faire ; et celles qui ne l'ont pas fait. Je suis persuadé que les deux dernières sont appelées à disparaître vite. J'ai parlé, le 2 avril, au ministre des finances de l'Uruguay (l'un des quatre pays qui avaient été inscrits sur la liste "noire", avec les Philippines, la Malaisie et le Costa Rica).

Eh bien vendredi, il nous a adressé son engagement formel à échanger de l'information. Ce pays vient donc de basculer... dans le camp de ceux qui s'engagent à coopérer !

Pourquoi la liste "noire" est-elle si restreinte, alors que l'argent blanchi ou soustrait à l'impôt porte sur des sommes énormes ? Aux Etats-Unis, l'évasion fiscale représenterait 100 milliards de dollars par an...

Parce que de plus en plus de pays s'engagent à coopérer, et en sortent. L'enjeu désormais, c'est de veiller à ce que les engagements soient tenus. Nous allons aider les pays à appliquer nos règles, et les surveiller, pour qu'aucune déclaration ne reste lettre morte. C'est assez facile, puisque nous sommes alertés dès qu'un pays se voit refuser des informations dans le cadre d'une enquête fiscale.

Pourquoi ne pas l'avoir fait avant ? Des promesses d'il y a dix ans n'ont pas été tenues...

C'est vrai, le Panama, par exemple, avait promis d'évoluer en 2002. Rien n'a été fait en huit ans. Nous avons toujours tenu nos membres au courant des avancées et des blocages. A présent, ils devront nous dire si des engagements qui ne sont pas suivis d'effets doivent rester valables.

Pourquoi la Chine ou la Russie, critiquées pour leur opacité, ne sont-elles pas sur la liste "noire" ?

Pékin, comme Moscou, a adhéré sans problème aux critères de l'OCDE. La Chine coopère aussi bien que la France ou l'Australie. Le problème portait sur ses régions administratives autonomes - Macao et Hongkong - qu'elle a finalement poussées à s'engager dans la voie de la coopération.

Quid du Royaume-Uni, qui a sous son pavillon Jersey et Guernesey, et abrite de nombreux hedge funds ? Quid des promesses de la Suisse ou du Luxembourg, qui ont bâti leur industrie financière sur le secret bancaire ?

Demain, la transparence sera la règle. Il y a une volonté politique de construire une économie plus forte, plus propre et plus juste, de mettre fin à la face obscure de la globalisation. Les comportements suivront.

Pour la première fois, la Chine a accepté de faire référence à l'OCDE, dont elle n'est pas membre. Y fera-t-elle son entrée ?

Nous avons invité la Chine, avec le Brésil, l'Inde, l'Indonésie et l'Afrique du Sud, à renforcer ses liens avec l'OCDE, en vue d'une éventuelle adhésion. Nous travaillons de plus en plus étroitement avec elle. Nous lui fournissons des rapports économiques, elle participe à nos comités. Nous sommes disposés à faire plus et sommes ouverts à une éventuelle adhésion. La décision est entre ses mains.

Propos recueillis par Anne Michel pour Le Monde (édition du 05.04.09)

(Source "Le Monde")

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