"Obama veut rapatrier des emplois et des impôts aux Etats-Unis", nous dit Virginie ROBERT, dans Les Echos du 5 mai 2009. Les Etats-Unis seraient-ils devenus contre toute attente les champions de la lutte contre la fraude fiscale ? Ce même pays qui avait bloqué le travail de l’OCDE sur la fraude fiscale aux alentours de 2000… Nous avions retenu notre souffle au moment des présidentielles américaines puisque le candidat Obama semblait prêt à briser la loi du silence sur les pratiques de fraude aux Etats-Unis en ayant soutenu en 2005, alors qu’il était sénateur, la loi « Stop tax havens abuses » qui a bien sûr été jeté aux oubliettes. Le suspens n’a pas duré longtemps puisque 5 mois après son accession au pouvoir Obama remet un projet de loi similaire sur la table.
Cette fois-ci avec le poids de son statut de Président il demande aux Congrès de se positionner et de rester sourd aux manœuvres des puissants lobbies. L’embauche de 800 nouvelles personnes aux Etats-Unis pour chasser les fraudeurs montre que la nouvelle administration américaine souhaite ne pas s’en tenir aux seuls discours pour prendre des mesures décisives. (Voir le discours d'Obama)
Demandons à Nicolas Sarkozy s’il est prêt à un tel investissement pour lutter contre la fraude fiscale en France qui serait, en s’élevant à environ 50 milliards d’euros, équivalente au déficit budgétaire de l’Etat. Nous pouvons sans attendre sa réponse avancer que non. Si l’on en croit le Syndicat National Unifié des Impôts (membre de la Plateforme Paradis Fiscaux et Judiciaires), les ressources humaines des contrôleurs d’impôts diminuent. Le travail de contrôle est de plus sélectif : s’attaquer à la fraude sociale est à court terme plus rentable que de déconstruire les complexes montages juridiques « d’optimisation fiscale » de nos multinationales françaises, modernisation de l’Etat et objectifs administratifs de rendement obligent.
L’enjeu financier est pourtant de taille et Obama ne saurait être plus clair en dénonçant les conséquences de l’irresponsabilité fiscale de telles multinationales sur les citoyens américains : « Ce sont les citoyens qui supportent les conséquences de ce manque de recettes ». C’est ce que dénonce la campagne Hold up : lorsqu’une multinationale ne s’acquitte pas de ses impôts dans les pays du Sud c’est le contribuable lambda qui compensera à travers l’imposition de son salaire ou en faisant ses courses avec la TVA le manque à gagner, tandis qu’il devra aussi s’offrir à des coûts exorbitants des soins de santé pour sa famille car l’Etat n’a pas les moyens de fournir un service public digne de ce nom. Le citoyen français dont le patrimoine et les revenus sont immobiles, à la différence des capitaux des multinationales, ne pourra lui aussi échapper à l’impôt avec la taxation de son patrimoine de ses salaires et des biens qu’il consomme.
L’heure est venue pour les citoyens et espérons pour les premiers concernés par ce manque de recettes, les Etats, de demander des comptes aux multinationales. L’étude du GAO, en janvier a démontré que 83 des 100 premières entreprises américaines avaient des filiales dans des paradis fiscaux, comme le stipule l’article. N’allons pas croire que ce constat serait réservé aux Etats-Unis où les entreprises seraient plus allergiques que dans d’autres pays à l’acquittement de leur devoir de solidarité. Alternatives Economiques l’a démontré en mars : « 100% des entreprises du CAC 40 sont dans les paradis fiscaux ». La question d’Oxfam France est simple : pourquoi ?! Si l’on en croit le tableau d’Alternatives économiques, Accor possède 4 filiales aux Pays-Bas : est-ce seulement pour conquérir le marché néerlandais ?
A travers ce projet de loi, Obama introduit bien plus que des moyens législatifs et humains accrus pour lutter contre la fraude fiscale aux Etats-Unis, il introduit un nouveau principe : il revient à l’individu qui a un compte off-shore ou aux entreprises ayant de nombreuses filiales dans les paradis fiscaux de prouver qu’elles ne le font pas pour éviter l’impôt à l’encontre de l’intérêt général. C’est le renversement de la charge de la preuve qui échoie dans nos démocraties à l’administration fiscale qui est dans l’obligation de prouver des soupçons de fraude pour entamer des procédures approfondies de contrôle fiscal. Une petite révolution de l’autre côté de l’Atlantique à côté de laquelle les appels de Nicolas Sarkozy à la fin des paradis fiscaux apparaissent bien naïfs !
Maylis Labusquière, chargée de plaidoyer "Accès aux services essentiels" - Oxfam France - Agir ici
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