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mercredi 1 avril 2009

REPORTAGE - Paradis fiscal "à l'ancienne", Jersey estime ne pas avoir de comptes à rendre

Karl Marx aimait se promener sur les plages et falaises de Jersey pour oublier, disait-il, la misère avilissante de la classe ouvrière londonienne. Robert Kirby, directeur technique de Jersey Finance, porte-parole du secteur financier jersiais, aime rappeler cette anecdote face à la tempête que provoque le G20 dans ce centre offshore posé à quelques encablures de Cherbourg (Manche). Placés sous l'autorité du suzerain anglais, ces fiers insulaires ont été choqués par les attaques du premier ministre Gordon Brown contre les "paradis fiscaux à l'ancienne qui n'ont pas de place dans le monde d'aujourd'hui".

Jersey n'a de leçons à recevoir de personne, souligne M. Kirby en dénonçant "la rhétorique aveugle de l'économie de la rage". A écouter cette vigie du libéralisme, en ces temps de crise financière, les 47 succursales de banques, britanniques comme étrangères, installées à Saint-Hélier collectent des dépôts acheminés ensuite vers leur maison mère. En clair, les fonds collectés finissent dans les coffres de New York, Londres ou Paris, pas dans les boyaux de l'ancien hôpital souterrain creusés dans la roche par des déportés russes lors de l'occupation allemande de l'île anglo-normande.

Nulle onction dans l'éloquence de Stephen Platt : les aigus de sa voix ne le lui pardonnent pas. Le président du cabinet d'avocats Bakerplatt en appelle le doigt pointé à la conscience morale du tribunal du G20 comme du jury de l'opinion internationale : "Nous vivons dans une économie mondialisée et libre dont l'un des fondements est la concurrence fiscale légitime entre Etats."

Mais pourquoi les riches choisissent-ils de mettre leur argent dans ces îles anglo-normandes où tout n'est qu'ordre, beauté, calme et volupté ? "Aux yeux de mes clients, la fiscalité importe moins que la tranquillité d'esprit. La confidentialité protège les grandes fortunes des kidnappeurs et des cambrioleurs", insiste un gestionnaire de patrimoine ayant pignon sur rue.

PRATIQUES OPAQUES

Ces pratiques opaques sont fustigées par le réseau de recherche fiscale Tax Justice Network (TJN) qui a organisé une manifestation, le 13 mars, devant plusieurs banques de Saint-Hélier. Ce bras de fer entre seigneurs de l'argent et militants se double d'une aimable comédie de Clochemerle. Car l'homme par qui le scandale arrive, le directeur du TJN, John Christensen, est un enfant du pays, ancien régulateur de la Jersey Financial Commission. Son frère, Robert, est un financier respecté, spécialiste du montage de trusts. "John est motivé par le sentiment de revanche. Il rêvait de diriger le régulateur, mais n'avait pas les compétences nécessaires. C'est un traître à la nation", proclame, courroucé, un professionnel lui aussi natif de l'île.

Reste que dans le contexte du G20, la campagne de John Christensen, touche un nerf sensible. Le croisé de la transparence remet en question le poids écrasant de la finance dans l'économie locale - la moitié du produit intérieur brut. Sans parler de l'avenir des liens séculaires et jusque-là harmonieux entre Jersey et Londres.

Marc Roche

(Source "Le monde.fr")

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